André Maurois à Elboeuf

ELBEUF

Le drap et la plume,
par Nicolas Welfling
(extrait)

Ma mère est née rue de Lorraine, à Elbeuf, dans la demeure de ses parents qu’on n’appelait pas encore le « château Blin ». Mon grand-père, cousin d’André Maurois, céda le « château » à la ville en 1957. Agrandi et réaménagé, il abrite à présent le lycée André-Maurois.

Les usines « Blin et Blin », grande fabrique textile d’Elbeuf, entretenaient avec les établissements « Fraenckel-Herzog » des liens tout à la fois familiaux et concurrentiels.

André Maurois, né Émile Herzog en 1885, est issu de ce curieux métissage d’industriels juifs alsaciens installés, la mort dans l’âme, avec leurs meilleurs ouvriers, dans la ville des bords de Seine où, depuis Louis XIV, l’on filait et tissait la laine cardée et peignée, le drap d’Elbeuf. L’Alsace perdue, ils ont transporté en 1871 sur les métiers normands leur beau métier florissant.

La cité fut hospitalière aux exilés. En quelques années, ces Alsaciens s’acclimatèrent en Normandie et recréèrent leurs foyers familiaux dans un paysage tout différent de celui de leurs ancêtres. « J’ai vécu à Elbeuf avec [mes parents], confie Maurois à Jacques Suffel, dans un climat constant de bienveillance, de générosité, de modestie. Rien n’existait pour ma mère que son mari, ses enfants et ses devoirs sociaux ; rien n’existait pour mon père que sa femme, ses enfants et son usine. C’était un milieu si tendre, si uni, si pudique aussi qu’au sortir de cet abri enchanté, il était fatal que le monde extérieur me blessât. »

L’élève du petit lycée d’Elbeuf est déjà premier de sa classe. Il se souvient de son professeur de sixième qui aimait passionnément son métier et qui le premier lui dit : « Vous serez un écrivain. » Il entre en troisième au lycée Corneille de Rouen où il continue de remporter tous les prix. En 1901, grande date pour l’adolescent, il entre en philosophie avec pour professeur Émile Chartier qui devait plus tard prendre le nom d’Alain. Cette fois encore, il remporte le prix d’honneur de philosophie.

[…]

Extrait de l’ouvrage : Balade en Seine-Maritime, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2007

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