Pierre Dhainaut à Dunkerque

DUNKERQUE

Le rivage, l’éveil prodigue,
Avec Pierre Dhainaut
(extrait)

 

C’est au bord de la mer que j’ai choisi de vivre, dès que cela me fut possible, peu après ma vingtième année. Personne ne m’y contraignait, j’avais la certitude pourtant de répondre à un besoin, celui de faire table rase comme si je voulais apprendre enfin à respirer, à regarder, à écouter, rien de plus favorable alors qu’un rivage. Certes, je suis né à Lille, toute mon enfance s’est déroulée dans la banlieue de Lille, mais ma vie n’a vraiment débuté, il me semble, qu’au moment où j’ai pu entretenir une relation quotidienne avec tout ce que signifie un mot tel que « le large ».

J’ai souvent douté de mes choix, en littérature par exemple, jamais de celui-là : j’aurais eu plus d’assurance, plus vite, plus fidèlement, si j’avais été davantage attentif. Certains lieux ont des leçons à nous donner, il faut bien des années pour les entendre, une existence entière ne les épuise pas, elles influencent notre manière d’être autant que celle d’écrire, qu’elles rendent inséparables.

Pourquoi Dunkerque ? Ce nom m’était familier depuis toujours : je n’ai jamais oublié l’interminable cortège des prisonniers de juin 40, et quand je vis pour la première fois la ville, à l’occasion de l’un de ces voyages d’un jour qui conduisaient les élèves sur la plage de
Malo-les-Bains, la ville était en ruine. Elle l’était encore en grande partie quand ma femme et moi nous y fûmes nommés : nous faisions cours dans des baraquements. Mais l’effort de reconstruction était si intense, partout, que l’on ne pouvait pas ne pas le partager. Il entre donc dans mon attachement à Dunkerque des éléments affectifs très forts : l’histoire, en s’inscrivant dans la mémoire personnelle, nous rappelle au sens de la responsabilité.

Vers 1957, on ne trouvait pas facilement à se loger ici : ce fut une sorte de miracle quand nous avons loué un appartement sur la digue de Malo. Devant la mer j’avais passé de longues heures, mais y demeurer plusieurs années de suite, je le souhaitais, je ne devinais pas quelles conséquences définitives aurait l’accomplissement d’un tel souhait : devant la mer ou, pour mieux dire, avec elle.

[…]

 

Extrait de l’ouvrage :Balade dans le Nord, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, février 2005

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