DRAVEIL-CHAMPROSAY
De 1844 à 1863, un « écrivain » à Champrosay
par Pierre WITTMER
(extrait)
« Delacroix grand artiste, grand écrivain, ou mieux grand homme dont le génie éclate dans toutes ses manifestations, qu’il peigne ou qu’il écrive, comme chez les grands Italiens de la Renaissance. Il s’est toujours élevé contre ce qu’il appelait “la limitation des genres” et il a cherché sa voie dans les directions les plus variées […]. Toute sa vie, il a adoré écrire, pour lui d’abord, pour les autres ensuite […] la peinture et l’écriture ne représentent pas chez Delacroix des manifestations simultanées de son génie ; j’y verrais plutôt des expressions séparées et distinctes. »
C’est ainsi que s’exprime l’historien d’art André Joubin, en 1932, dans sa présentation du Journal 1 d’Eugène Delacroix, qualifiant ce texte précieux de « monument capital de l’art français ».
« De ces feuilles improvisées, répandues pendant plus de cinquante ans de sa vie, surgit devant nos yeux l’homme tout entier, avec ses ardeurs, ses passions, son enjouement, ses ambitions, ses tristesses, son acharnement au travail, son désintéressement, sa simplicité, sa candeur d’esprit, et par-dessus tout son amour passionné, exclusif de la peinture », précise-t-il dans sa présentation de la Correspondance générale d’Eugène Delacroix2.
Le talent littéraire d’Eugène Delacroix a été également célébré par l’essayiste Élie Faure (1873-1937) à l’occasion de la publication des Études esthétiques ou encore par René Huyghe, lorsque, traitant de son oeuvre, il écrit1 : « Il y est toujours brillant de feux inextinguibles, et c’est là qu’il nous appartient maintenant de le chercher, de vivre avec lui sa vraie destinée. Baudelaire l’a compris, en cela comme en bien d’autres choses, mieux que personne. »
C’est l’historien, peintre et graveur Frédéric Villot (conservateur des peintures au musée du Louvre, puis secrétaire général de ce musée), qui séjourne chez son beau-père, le baron Paul Barbier, qui est à l’origine de la découverte et de l’intérêt porté par Eugène Delacroix à la vallée de la Seine et à ses abords, à hauteur de Draveil et de son écart Champrosay. L’installation du chemin de fer de Corbeil, inauguré en 1840, incite Eugène Delacroix à envisager d’acheter une « chaumière par là ». L’accès est en effet facilité par le pont sur la Seine édifié dès 1831 grâce à la générosité du financier Alexandre-Marie Aguado, marquis de Las Marismas del Guadalquivir, qui a alors pour résidence d’été le château du Petit-Bourg à Évry. Ce pont permet de relier Champrosay et Ris-Orangis, puis la gare qui y est édifiée par la compagnie d’Orléans.
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Extrait de l’ouvrage : Balade en Essonne, sur les pas des écrivains, Alexandrines, 2010