DRAVEIL-CHAMPROSAY
Alphonse Daudet à l’école des impressionnistes
par Anne-Simone DUFIEF
(extrait)
Le développement des chemins de fer explique la vogue des villégiatures autour de Paris sous le second Empire. Les aristocrates passent l’été dans leurs terres et leurs châteaux, alors que les bourgeois achètent des propriétés pas trop éloignées de la capitale, ce qui leur permet de ne pas négliger leurs affaires à la belle saison.
Daudet, méridional expatrié en région parisienne, n’avait aucune attache familiale en Ile-de-France. Jeune célibataire, il avait habité Clamart, y vivant en phalanstère avec quelques écrivains amis ; il avait également séjourné près de Ville-d’Avray avec sa maîtresse Marie Rieu.
Son mariage lui fera découvrir la région de Champrosay. Madame Allard, la mère de Julia Daudet, est la fille d’un industriel enrichi, Jacques Navoit, propriétaire du château de Vigneux, village dont il est le maire. Despote familial égoïste, le vieillard se flattait de ce qu’aucun de ses enfants ne serait assez riche pour entretenir après lui un tel domaine. À sa mort, sa prédiction s’accomplit et le château fut mis en vente. En attendant un acquéreur, les Allard et les Daudet y séjournent ; Daudet, jeune marié, y passe l’été 1867 et y termine Le Petit Chose. Les Allard, très attachés à la région, cherchent une propriété qui leur convienne. Comme ils ne trouvent pas, ils décident de louer la propriété qu’avait occupée le peintre Delacroix — ils y passeront les étés 1868, 1869, 1870 et 1871 ; les parents s’installent dans la maison principale, et le jeune couple ainsi que leur fils Léon, tout bébé, dans l’atelier du peintre. C’est là que seront écrits Tartarin de Tarascon et la nouvelle Robert Helmont dont nous vous proposons la préface.
Après la guerre de 1870, les Allard achètent une maison située à Champrosay, en haut de la côte qui monte du pont de Ris. Ils la font refaire à neuf et s’y installent en 1872. La maison, construite de bric et de broc, était spacieuse : « une grande maison blanche, sans caractère, à laquelle sont accolés un tas de petits communs, de resserres, d’appentis, de bâtiments de guingois mis de niveau par deux ou trois marches, d’escaliers montants et descendants et reliés par des portes sous lesquelles des gens un peu grands doivent se baisser, une maison combinée pour loger trois ménages avec des potées d’enfants » (Journal des Goncourt). Daudet y passera tous les étés jusqu’en 1886, en compagnie de ses beaux-parents, de la grand-mère de sa femme, de son beau-frère Allard qui avait épousé sa soeur Anna Daudet et de tous les enfants Daudet et Allard. La cohabitation n’était pas toujours facile, aussi Daudet aimait-il couper l’été par un séjour en Suisse ou en Provence.
En 1886, la naissance d’Edmée, troisième enfant des Daudet, est le prétexte pour quitter la maison des Allard. Alphonse s’installe à une centaine de mètres de chez eux, dans une propriété voisine qui possédait un magnifique parc allant jusqu’à la Seine. Cette maison est aujourd’hui encore debout, même si le parc n’a pas été intégralement préservé.
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Extrait de l’ouvrage : Balade en Essonne, sur les pas des écrivains, Alexandrines, 2010