Georges Duhamel à Dourdan et Bièvres

DOURDAN ET BIÈVRES

Georges Duhamel : l’ardeur de vivre
par Paul MAUNOURY
(extrait)

Un front haut et dégarni, de petites lunettes rondes, cerclées de fer, une bouche finement dessinée et comme fermée sur un secret, tel apparaissait le visage du créateur de Salavin.Mais derrière les lunettes, le regard de Georges Duhamel était vif, perçant; il scrutait, quémandait… Le monde, les hommes, leurs misères, leurs faiblesses, leurs espoirs, tout retenait l’attention de l’écrivain. Car tout l’intéressait, le hantait, l’interrogeait depuis le temps de sa jeunesse où il poursuivait des études de médecine et commençait d’écrire des poèmes.

C’est durant les années de formation, quand s’affirmait sa double vocation de médecin et d’écrivain, que Duhamel fit de longs séjours dans l’Essonne.

À Dourdan d’abord où exerçait son père, modèle d’un des principaux personnages de la Chronique des Pasquier. Georges, étudiant au Quartier Latin, rentrait souvent chez ses parents qui habitaient alors rue Haute-Foulerie puis rue d’Étampes. Le mémorialiste de Biographie de mes fantômes1 évoque, beaucoup plus tard, avec plaisir et humour, la maison familiale et l’extravagance de son père qui, en guise de publicité, avait placardé sur la façade une inscription en lettres dorées:

DOCTEUR—innovation qui ne manqua pas d’irriter ses confrères.

C’est à Dourdan, en cette même maison que se place un épisode douloureux, sorte d’étape initiatique dans l’existence du jeune homme. Au printemps de l’année 1904, surmené à la fois par l’ivresse d’apprendre et la découverte de l’amour, il tomba gravement malade et revint au foyer. Plusieurs semaines durant, sa mère et son père le veillèrent.

La souffrance, le gouffre du néant qui lui est révélé par les piqûres de morphine dont il repoussera l’usage par la suite, puis l’abattement ressenti au cours d’une lente convalescence, le retour des forces, enfin, enseignent au jeune médecin« qu’il ne fallait pas désespérer de la vie, ni des ressources de notre nature misérable». Des images se gravent dans sa mémoire qui irrigueront l’œuvre à venir, la tendresse maternelle, la maison protectrice, la lumière du matin sur le petit jardin de Dourdan.

L’épisode fut repris dans La Pierre d’Horeb1, roman inspiré par les années de jeunesse d’un étudiant en médecine, au début du siècle, qui découvre lui aussi l’amour,la liberté, la révolte. L’épreuve de la maladie, transposée à La Ferté-Milon dans la fiction, clôt le récit et marque le passage de l’adolescence à la vie adulte.

Une autre expérience, une sorte de défi, séduit bientôt le jeune homme. Désireux de vie libre et fraternelle, porté au rêve d’une « Thélème » harmonieuse par un poème de Charles Vildrac, Je rêve l’Abbaye, il fonde en 1906 un phalanstère avec cinq jeunes poètes et artistes : René Arcos, Albert Gleizes qui deviendra un peintre cubiste célèbre, Henri-Martin Barzun, Alexandre Mercereau et Charles Vildrac. Le nom de Jules Romains est souvent cité à tort, car l’écrivain ne s’impliqua jamais vraiment dans l’aventure.

[…]

 

Extrait de l’ouvrage : Balade en Essonne, sur les pas des écrivains, Alexandrines, 2010

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