DOMPS
La Gartempe
Jean Blanzat, l’enfance obstinée,
par Myriam Boucharenc
(extrait)
Par une nuit d’hiver, sous un cyprès, le démon vient proposer aux défunts d’un petit cimetière à la limite du Limousin et du Poitou de quitter leur tombe pour renouer, le temps d’une journée, avec le fil rompu de leur existence… Telle est la fable du Faussaire, l’avant-dernier roman de Jean Blanzat, couronné en 1964 par le prix Femina. Un livre inspiré qu’il écrivit d’un seul jet en douze jours. Imaginons un instant que, rejoignant les personnages de son insolite fiction, Blanzat ait à son tour la possibilité de revenir parmi nous. En quoi, en qui, choisirait-il de se réincarner ?
En enfant, assurément. à la question du fameux questionnaire de Marcel Proust – « où aimeriez-vous vivre ? » –, ne répondait-il pas, quelques années à peine avant de disparaître en 1977 : « Dans une certaine métairie limousine, à condition d’avoir cinq ans » ? Nul doute qu’il ne songeait alors à la petite maison de Vaux, hameau de la commune de Domps en Haute-Vienne où il naquit en 1906. La « rumeur du paysage immense », le chant du passereau, le pas de la belette et du renard, le tintement des cailloux sur le chemin, la « douceur du linge des dimanches », les magiques syllabes d’Arvoise de Saint-Priest ou de Sussac, « dont le nom est rouge comme la pipe de sucre » qu’à chaque marché ses parents lui rapportaient : rien ne sera jamais plus doux à Blanzat que « ce pays frais et primitif » qui lui a offert « le premier soupçon de l’existence », écrit-il dans Enfance. Enthousiasmé par ce récit poétique, Jean Guéhenno le fait aussitôt paraître dans la revue Europe en 1929. Il inspira au peintre Lucien Coutaud un portrait de Blanzat en éternel écolier penché au-dessus de son écritoire, les bras croisés sur la feuille blanche, la plume abandonnée près de l’encrier, ses immenses yeux rêveurs plongés dans on ne sait quel au-delà sans certitude de Dieu.
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Extrait de l’ouvrage : Balade en Limousin, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2009