Dinan
Roger Vercel, le romancier qui écrivait la mer,
par Jean-Yves Ruaux
(extrait)
Le local est prêt pour accueillir la reconstitution de l’impressionnant bureau-bibliothèque où l’écrivain dictait ses textes à sa fille, Simone, sans cesser de déambuler. Le bibliothécaire de Dinan, Loïc-René Vilbert, y a veillé dès l’ouverture (2005) de la bibliothèque municipale où le romancier (prix Fémina France-Amérique 1932 pour Au large de l’Eden et Goncourt 1934 pour Capitaine Conan), a lié sa vie à son œuvre.
Vercel est un personnage de ma prime enfance, un voisin envers lequel mes parents expriment une dévotion réservée. Pas le même monde. Ma mère côtoie Simone (1923-), sa fille, à la paroisse. La douce Simone, elle même romancière, a dédié son œuvre aux enfants et aux jeunes filles.
Roger Vercel est un personnage plus lointain, un grand type mince à lunettes qui porte le nœud papillon avec une élégance détachée. Il a pourtant sauvé la vie de Joël, un copain. De sa terrasse, l’auteur l’a vu, bambin, grimper au sommet de l’échelle de son grand-père…Sueurs froides. Depuis, comme le capitaine Conan, comme les rudes commandants de cap-horniers, de remorqueurs ou de terre-neuviers que Vercel a dépeints, comme les médecins, les mareyeurs, les armateurs et les matelots qui habitent son œuvre, avec leurs tempêtes, parfumées iode et varech, ce camarade, toubib de catastrophes, est allé lui aussi affronter son destin, les typhons, les raz-de-marée et les épidémies, en Afrique et en Extrême-Orient. Rare qu’il en parle sans avoir la crainte d’ennuyer.
Le héros – rarement une héroïne – de Vercel est un homme de terrain, pas un intellectuel, un taciturne que les circonstances acculent à la grandeur. Il s’étiole en temps de paix et d’inaction comme Conan. Philippe Torreton en a campé la veulerie, retour au pays, dans le film que Bertrand Tavernier a tiré du roman. Comme les premières œuvres du romancier, Capitaine Conan tire sa substance de son expérience de commissaire-rapporteur au conseil de guerre sur le front d’Orient. Macédoine, Roumanie, Bulgarie, Ukraine… Le jeune homme fait un an de rab. Pour lui, la guerre de 14-18 s’arrête en 19 !
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Extrait de l’ouvrage : Balade en Bretagne Nord, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2011.