Cuverville-en-Caux
André Gide ou Une éparse joie baigne la terre…
par Martine Sagaert
(extrait)
Né à Paris, André Gide est méditerranéen par son père et normand par sa mère. Riche industriel, Édouard Rondeaux (1789-1860), le grand-père maternel d’André Gide, meurt, neuf ans avant la naissance de son petit-fils. L’héritage est réparti entre ses cinq enfants. Le château et les terres de la Roque-Baignard (425 ha), en pays d’Auge, reviennent à Juliette, la future Mme Paul Gide (1835-1895), mère d’André, et le manoir et les fermes de Cuverville-en-Caux (75 ha) à Émile (1831-1890), qui aura six enfants, dont Madeleine, Jeanne et Valentine.
Cuverville-en-Caux est à une quinzaine de kilomètres au sud-est d’Étretat, dans le canton de Criquetot-l’Esneval. Le domaine cauchois n’a pas l’ampleur de La Roque, mais comme La Roque, il a pour Gide une dimension affective. D’un lieu à l’autre, André partage avec ses cousines d’intenses bonheurs. Escapades, escalades, jeux, rires et complicités.
Les années d’enfance passèrent, les étés se succédèrent, le rituel perdura. On continuait de se visiter en famille et un couple se forma. André et Madeleine s’étaient choisis. Depuis plusieurs années déjà, depuis le départ de sa mère, qui avait abandonné les charges domestiques pour vivre sa passion, Madeleine était responsable de la maisonnée. En 1890, à la mort de son père, elle devint propriétaire de Cuverville.
Elle veut être à la hauteur des tâches qui désormais lui incombent. Elle note dans son Journal, le 18 juillet 1891 : « Il y a huit jours que nous sommes là. Tout va bien dans le service, me semble-t-il, mais que j’ai de progrès à faire dans l’art et l’habitude de surveiller, de donner des ordres ! »