CUREMONTE
Colette et Colette
par Colette Laussac
(extrait)
Qui donc était cette Colette qui se prénommait comme moi et dont on parlait si souvent lors des repas ? Pourquoi ne l’appelait-on pas par son nom patronymique, comme tout le monde ? Pour quelle raison était-elle venue à Curemonte, un village proche du mien de quelques kilomètres ?
J’ai su, un peu plus tard, vers l’âge de douze ans, lorsque j’ai commencé à dévorer les livres de la bibliothèque municipale : Sidonie-Gabrielle Colette portait tout simplement le nom de son père, le capitaine Colette ! Vivant à Paris, elle avait fui l’occupant allemand et s’était retrouvée en 1940 à Curemonte, chez sa fille Colette surnommée Bel Gazou, dans ces vieux châteaux qui appartenaient à Henri de Jouvenel, son second mari. Déjà, en 1911, elle avait séjourné à Varetz, au château de Castel-Novel, au nord de Brive, trouvant le pays si agréable qu’elle avait écrit : « Qu’est-ce qu’on va donc voir en Suisse qui soit aussi beau ? Je n’avais pas idée de cette Corrèze-là… ».
Curemonte, en raison de sa situation, se mérite. Mais quelle récompense de découvrir soudain, en haut d’une côte interminable, ce paysage au milieu duquel se dresse une masse imposante ! Comme Colette a dû le faire souvent, je me reposais sur ce banc qui lui a inspiré ces lignes dans le Journal à rebours commencé lors de son séjour à Curemonte : « Un généreux donateur posa [un banc] à l’entrée du hameau, afin que les habitants pussent, en s’y asseyant, voir la vue. » Elle décrit ainsi ce paysage : « Le coteau dévale vers la rivière, invisible entre des vergnes et des peupliers, et si la pente en face ne se relevait brusque, le paysage entier prendrait l’air de douceur, de facilité propre à la Suisse peu montagneuse. »
[…]
Extrait de l’ouvrage : Balade en Limousin, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2009