COURRIÈRES
Jules Breton, peintre et poète de l’artois
par Anette Bourrut-Lacouture
(extrait)
« J’aime mon vieil Artois aux plaines infinies,
Champs perdus dans l’espace où s’opposent, mêlés,
Poèmes de fraîcheur et fauves harmonies,
Les lins bleus, lacs de fleurs aux verdures brunies,
L’oeillette, blanche écume, à l’océan des blés… »
Cette plaine de Courrières, évoquée sans cesse par Jules Breton dans sa peinture de la vie des champs, participe grandement à sa renommée internationale au XIXème siècle. Mais connaît-on ses dons d’écriture qui, dès le petit séminaire audomarois de Saint Bertin, puis au collège royal de Douai, lui accordaient toujours le privilège du « compliment de Nouvel An » à ses maîtres ?!…
C’est en 1864 que Théophile Gautier relève dans l’Autographe du 12 mai un petit texte de Jules en légende sous le dessin d’Une gardeuse de dindons d’après une toile présentée au Salon de la même année. Surpris et charmé, le poète lui demande « si c’était dans George Sand » qu’il avait pris ces « admirables lignes »!… Et Breton note à l’intention de sa femme Elodie (fille
de son maître gantois Félix De Vigne) : « …J’étais très étonné qu’il y ajoutât tant d’importance !.. » Eugène Fromentin, dont on connaît la double appartenance à la peinture et la littérature, conforte aussi vivement l’artiste dans cette voie. Les conseils et les encouragements de José Maria de Hérédia, rencontré à Douarnenez en 1873, sont bientôt accompagnés par ceux de Leconte de Lisle, séduit d’emblée par le sonnet de L’Aube, dédié à Corot :
« Je suivais un sentier, à l’aube, dans les blés,
Etroit, où l’on se mouille aux gouttes qui s’épanchent,
En frôlant les épis alourdis qui se penchent ;
Et j’errais, évoquant mes rêves envolés… »
Jules devient rapidement un fidèle de la mansarde parnassienne et, lorsqu’il présente au Salon de 1875 la ronde traditionnelle des jeunes filles de Courrières, le soir de La Saint Jean, Les Champs et la Mer viennent de paraître et la critique se montre souvent sensible à la diversité de son talent. Victor Hugo, auquel l’artiste a adressé son recueil, lui répond de sa belle écriture, le 8 juin 1875 : « Etre deux fois le poète, l’être comme Lamartine et l’être comme Corot ; l’être par la strophe et l’être par la palette, cela vous est donné, Monsieur. Je vous remercie de votre charmant livre, et je vous envoie un double applaudissement / Victor Hugo ».
[…]
Extrait de l’ouvrage : Balade en Pas-de-Calais, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mai 2006