CONDOM
Monluc, l’épée et la plume
par Jean Barthélemy
(extrait)
Si une heureuse idée guide vos pas vers l’une des plus jolies routes de Gascogne, de Condom, l’armagnacaise, alanguie le long de la Baïse, si chère à Henri de Navarre, jusqu’à la perle de la Lomagne, l’antique Lectoure, dressant vers le ciel ses maisons ocres mêlées de vieilles murailles couleur de soleil, arrêtez-vous à l’un de ces modestes villages endormis sur le haut d’une butte, d’un « tuco ». Celui-là se nomme de nos jours Saint-Puy, par déformation, regrettable, du toponyme gascon Sempuy. À son sommet, vous y trouverez, avec l’effort d’imagination qui convient au curieux amoureux des choses du passé, l’émouvant souvenir d’un château de transition Moyen Âge – Renaissance, – « château », c’est un peu fort, je l’admets mais en Gascogne on aime à cacher la modestie du décor sous la pompe des mots.
Là, dans ce château, ou manoir ou gentilhommière, en pays d’Albret, naquit
un pur gascon, dont le nom seul évoque la belle province, Blaise de Lasseran-Massencome, seigneur de Monluc. En 1500 ou 1502, en tout cas avec ce siècle, le seizième, qui fut – parmi et comme tous les autres – d’art et de feu. Avec lui, naissent et grandissent les prémices des guerres de religion qui vont bientôt ensanglanter la Gascogne et dont Monluc sera, du côté catholique, un acteur majeur – ô combien controversé – , et un précieux chroniqueur.
Dans une famille, noble mais sans fortune, de dix enfants, Monluc est l’aîné
« de six frères », parmi lesquels d’autres que lui seront guerriers et l’un, Jean, évêque de Condom et diplomate. Quant à lui, c’est sans état d’âme qu’il choisit cet état de soldat : « Songez, vous qui êtes nez gentils-hommes, que Dieu vous a faict naistre pour porter les armes, pour servir votre prince, et non pas pour courre le lièvre ou faire l’amour ».
Extrait de l’ouvrage : Balade en Midi-Pyrénées, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mai 2011