COMPOLIBAT
Henri Mouly, le grand lutteur de la cause occitane
par Jean Delmas
(extrait)
Sur le Pont Sublicius, Horatius Coclès résiste seul par l’épée à l’armée ennemie qui veut franchir le Tibre. Au-dessous, ses compagnons avec leurs haches ou leurs glaives coupent les piles. Le pont s’effondre, Horatius plonge tout armé dans le fleuve et gagne la rive, Rome sauvée fête son héros. C’est presque un rêve ! Comme le héros antique, Henri Mouly est là, géant arborant fièrement sa blessure, il a perdu un œil à la guerre de 1914-1918, ce qui restera la plus noble de ses décorations, pour ne pas dire la seule. Et puis comme Horatius qui était revenu labourer les champs que lui avait offerts la république, Mouly a rejoint son école de campagne où il va semer sa passion de la connaissance. Il est sûr que la connaissance nous rend meilleurs et nous rend libres. C’est un hussard de la République. Jusqu’au bout de sa vie il explorera toutes les sciences qui font, selon lui, le régent d’école et le Rouergat accomplis, la géographie, l’histoire, l’agronomie, la botanique, (science dont il avait une grande maîtrise), et bien d’autres…
Mais la Rome de notre héros, large d’épaules et large de cœur, c’est la langue d’oc, indissociable de sa culture paysanne et de sa terre de Compolibat. Telle est la situation bien paradoxale, mais pas unique, d’un instituteur de la Troisième République, chargé de promouvoir le progrès, le français et l’amour de la grande patrie, qui, sans trahir sa mission, va se vouer corps et esprit à ses frères paysans, à la cause occitane et à son Rouergue.
Henri Mouly est né le 10 octobre 1896 à Compolibat, une commune du Ségala, au bord de l’Aveyron, entre Rodez et Villefranche, le plus beau pays du monde, bien sûr. Il est fils de paysans qui ont conquis leur place au soleil. Dans un de ses plus beaux livres « E la barta floriguet !… » (Et la lande a fleuri !…) il raconte l’aventure de ses parents qui, jeunes mariés, ont fait le pari de dompter une terre ingrate et méprisée, seuls contre l’opinion, les pronostics, la routine, la jalousie aussi. Car tout se mêle. Un jour, à force de sueur, de sang et de larmes, la lande a laissé place à des champs, à des prairies et une maison y a pris racine. An fach ostal, comme dit la brève et forte expression occitane, ils ont bâti leur ostal (maison et famille), les Trois Alouettes, appelé ainsi en souvenir des trois oiseaux qui, un jour, à cet endroit, en chantant, se sont élevés dans le ciel jusqu’à disparaître. Quel symbole ! Car si cette conquête de l’Ouest fut rude, son moteur fut toujours une immense confiance en l’avenir. Tel fut « notre Mouly » !
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Extrait de l’ouvrage : Balade en Midi-Pyrénées, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2011.