CAJARC
Françoise Sagan, une petite robe blanche,
par Philippe Barthelet
(extrait)
Il y a d’abord cette photographie : une demi-douzaine de gamins du village et son frère Jacques assis côte à côte sur le muret du Tour de Ville, culottes courtes, jambes ballantes, et elle-même, Kiki, assise avec eux, la première, dans sa petite robe blanche et qui rit, avec toute l’audace de la timidité prise au piège… Françoise Quoirez, qui un jour sera dite Sagan, a cinq ans peut-être. Les vacances à Cajarc lui feront une enfance de soleil, de joie et de solitude qui plus tard seront son vrai refuge. « Dans ce village du Lot où il fait froid et beau, où un feu crépitait toute la nuit au pied de [mon] lit… Là-bas, tout me plaisait et tout me réchauffait l’âme. Je redécouvrais tout. Il n’y a pas d’âge pour réapprendre à vivre. On dirait qu’on ne fait que ça, toute sa vie ». Toute sa vie, elle a été fidèle à ce village, au jardin de sa grand-mère un peu à l’abandon, aux parties de cache-cache dans les vieilles rues, aux causses torrides, à « la lente glissade du Lot », et c’est non loin de là, dans le hameau de Seuzac qu’elle est enterrée, avec les siens. Il lui faudra toujours ce pays d’enfance, si loin de Paris, de Deauville ou de Saint-Tropez, de ce décor qu’exige le personnage saganesque à quoi on la réduit trop souvent, et mi-perversité mi-politesse, elle s’est laissé faire, on peut même dire qu’elle y a mis du sien. Ambiguïté, double jeu ? – double nature plutôt, celle des Gémeaux qui l’ont vue naître. Mais d’un monde à l’autre elle reste la même, et la bande de gamins qu’elle menait à l’assaut des bandes du voisinage, elle lui sera fidèle côté Sagan, avec ses compagnons de toujours, de fortune et d’infortune, Bernard Frank, Michel Magne, Jacques Chazot, ses deux maris, Guy Schoeller et Bob Westhoff, sans compter les compagnes.
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Extrait de l’ouvrage : Balade en Midi-Pyrénées, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2011.