CAMBRAI
Fénelon, le cygne de Cambrai,
par Frédéric BRIOT
(extrait)
Le 4 février 1695, Louis XIV nomme archevêque de Cambrai Fénelon, qui est alors le précepteur de ses trois petits-fils (les ducs de Bourgogne, d’Anjou et de Berry). Le 4 août 1695, Fénelon arrive à Cambrai, où il compte résider dans son palais archiépiscopal neuf mois de l’année, et les trois autres mois à Versailles, suivant en cela scrupuleusement les obligations de résidence fixées pour les évêques et archevêques par le Concile de Trente.
Dans les Mémoires de Saint-Simon, nous trouvons un portrait d’ensemble de celui que l’on nomma vite le Cygne de Cambrai pour la douceur de son style et de sa personnalité, tant par opposition avec Bossuet, l’Aigle de Meaux, que par un flatteur rapprochement avec Virgile, surnommé on le sait, le Cygne de Mantoue :
« Ce prélat était un grand homme maigre, bien fait, pâle, avec un grand nez, des yeux dont le feu et l’esprit sortaient comme un torrent, et une physionomie telle que je n’en ai point vu qui y ressemblât, et qui ne se pouvait oublier quand on ne l’aurait vue qu’une fois. Elle rassemblait tout, et les contraires ne s’y combattaient pas. Elle avait de la gravité et de la galanterie, du sérieux et de la gaieté ; elle sentait également le docteur, l’évêque et le grand seigneur ; ce qui y surnageait, ainsi que dans toute sa personne, c’était la finesse, l’esprit, les grâces, la décence, et surtout la noblesse. Il fallait effort pour cesser de le regarder. »
À la suite de la querelle du quiétisme, dans laquelle il n’est point nécessaire de rentrer ici, Fénelon et ses amis vont être mis politiquement à l’écart. Ainsi, il reçoit le 1er août 1697, l’ordre de se retirer entièrement dans son diocèse, et la mort du duc de Bourgogne, le 18 février 1712, ruine définitivement tous ses espoirs de réapparaître sur la scène politique versaillaise.
Voici donc Fénelon, à temps plein, occupé à administrer son diocèse. Sa volumineuse correspondance témoigne des divers aspects de sa charge pastorale, ainsi que de l’extrême conscience et constance avec lesquelles il l’exerce. L’archevêché de Cambrai est un archevêché bien particulier. Il est celui qui en France rapporte le plus de bénéfices (deux cent mille livres de revenus annuels). Mais la ville de Cambrai elle-même n’est française que depuis sa prise, le 5 avril 1677. De ce fait, cet archevêché se trouve à cheval entre la souveraineté française et la souveraineté espagnole (et plus tard autrichienne, après la paix d’Utrecht de 1713). C’est ainsi que Fénelon est en même temps duc de Cambrai, comte du Cambrésis, prince du Saint-Empire et seigneur du Cateau-Cambrésis. Il signe du reste toujours ses lettres « François, archevêque-duc de Cambrai ».
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Extrait de l’ouvrage :Balade dans le Nord, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, février 2005