CAEN
François de Malherbe en sa Normandie
par Gilles Henry
(extrait)
Enfin Malherbe vint… À la suite de cet adage, on évoque le poète, grammairien à lunettes et à cheveux gris qui, armé d’une paire de ciseaux, taille dans la poésie et définit une manière d’écrire, tel un caporal littéraire, véritable tyran des syllabes et des mots. Pourtant, l’homme gardait en son cœur un jardin secret : sa Normandie d’origine, où il reviendra fréquemment.
À sa naissance, nombreuses sont les incertitudes : date (registres disparus), lieu (la maison de Caen ou le manoir d’Arry, dans la vallée de l’Odon), religion (sans doute baptisé catholique bien que son père soit un farouche partisan de la Réforme). Mais tout jeune, il revendique sa « noblesse d’ancienne race » qui se changera en une véritable obsession.
Racan, dans sa Vie de Monsieur de Malherbe, écrit : « Messire François de Malherbe naquit à Caen en Normandie environ l’an 1555. Il estoit de l’illustre maison de Malherbe de Saint Aignan qui a porté les armes en Angleterre sous un duc Robert de Normandie et s’estoit rendüe plus illustre en Angleterre qu’au lieu de son origine… Les contemporains se moqueront de cette vanité avec le Sottisier satirique de Chamillart : « Les Malherbes dont estait le poète si fameux viennent de paysans de Missy, dont l’un s’établit à Caen et y fut tanneur, dont on voit encore la maison en la paroisse Saint-Étienne. »
Malherbe, descendant de tanneurs alors qu’il se prétend de la lignée des Malherbe de Saint-Agnan et que son parent, échevin en 1532, a ouvert les portes de la ville à François Ier ! Sa vie durant, le désir généalogique ronge le poète, dont le premier ancêtre est parti de La-Haye-Malherbe en Cotentin, pour suivre le duc Robert Ier de Normandie en Terre Sainte (1034), avant de créer Saint-Aignan-le-Malherbe. Cet « ancrage » le marque à jamais et il n’hésite pas à revenir sur place pour chercher des preuves : « en l’abbaye de Saint-Étienne de Caen, que bâtit le duc Guillaume, sont nos armoiries, parmi un grand nombre de celles des seigneurs qui l’accompagnèrent à la conquête de l’Angleterre et qui sont des hermines de sable, sans nombre, en champ d’argent, et six roses de gueules… »
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Extrait de l’ouvrage : Balade dans le Calvados, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mai 2004