BRIVE
Pierre Bergounioux, un peu de bleu dans le paysage,
par Laurent Bourdelas
(extrait)
Pourquoi ai-je envie d’écrire à propos de Pierre Bergounioux ? Parce qu’il a enseigné à mes cousins lorsqu’il était professeur au collège d’Orsay ? Parce qu’il a fait comme moi des rêves de révolution jamais advenue ? Parce que nous avons tous les deux usé nos fonds de culottes sur les bancs des classes prépa du vieux lycée Gay-Lussac à Limoges ? Parce qu’il m’a aimablement répondu lorsque je lui ai envoyé quelques textes ? Parce qu’il fut à la fois si brillant et si proche lorsque nous nous rencontrâmes à l’occasion de « La Folie les Mots », en 2006, à Faux-la-Montagne ?
Parce que c’est un grand écrivain dont l’écriture me touche.
Parce qu’il a écrit, dans Miette : « Le haut plateau granitique du Limousin fut l’un des derniers refuges de l’éternité. Des êtres en petit nombre y répétaient le rôle immémorial que leur dictaient le sang, le sol et le rang. Puis le souffle du temps a touché ces hauteurs. Ce grand mouvement a emporté les personnages et changé le décor. On a tâché de fixer les dernières paroles, les gestes désormais perdus de ce monde enfui. »
Parallèlement, mais différemment de Richard Millet et de Pierre Michon – oui, trois des plus grands écrivains français sont des écrivains limousins ! –, il a dit cette « zone imprécise, plissée, qui sépare l’Auvergne de l’Aquitaine » qui est nôtre, où une civilisation a longtemps perduré, avant de disparaître emportée par une triste modernité. Civilisation toutefois non idéalisée, qui avait tout de la froideur des salons froids de l’enfance où l’on utilisait des patins pour ne pas rayer le sol ; celle, peut-être, d’un monde étriqué qui pesait sur les aspirations adolescentes à l’ailleurs et au bouleversement : « La petite ville en quoi le monde a consisté, d’abord, pour moi, flottait dans les profondeurs enchevêtrées de la durée. »
[…]
Extrait de l’ouvrage : Balade en Limousin, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2009