Pierre Mac Orlan à Brest

BREST

Mac Orlan, un marin breton de la Somme
par Nicole Laurent-Catrice
(extrait)

Mac Orlan ce sont des chansons de mauvais garçons, de filles de joie à Londres ou à Tampico, de souteneurs ou d’assassins, de femmes fortes en gueule, cavalière Elsa ! de marins en goguette…

On lit Mac Orlan avec passion comme les bourgeois entre les deux guerres aimaient à s’encanailler en allant danser la java rue de Lappe , à Paris. L’exotisme chez lui nous transporte dans des lieux interlopes : la rue, les maisons de passe, les hôtels miteux, les bistrots à matelots, les casernes, la route, le cirque. C’est le langage, argot de marins, des gitans ou des bas-fonds que l’on ne comprend qu’à moitié, mais que l’on devine, qui enveloppe ces récits d’une aura de rêve. Exotisme aussi des temps anciens de la flibuste ou de la guerre. Les couleurs, les odeurs, les sons fourmillent, les uniformes y sont décrits avec force détails, comme s’il avait joué toute son enfance aux petits soldats. Il nous dépayse en nous faisant vivre dans des couches sociales qui nous sont étrangères : entremetteuses ou gitanes, marins et militaires en rupture de ban, cabaretiers louches ou commerçants véreux.

On a parlé de fantastique social à propos de Mac Orlan, n’est-ce pas plutôt un réalisme poétique ? La vie qu’il anime n’est pas gaie ni légère et pourtant pas de pathos ici, ni de misérabilisme. La poésie est là qui veille au grain, et le choix des adjectifs allie le cynisme à l’humour. Ainsi parle-t-il de « meurtres décoratifs », de « regrets distingués » ou de « pendus anacréontiques qui oscillaient comme des feuilles ». Après un autodafé un spectateur dit que « ce n’est pas un spectacle d’été ». Le poète et romancier nous fait voyager dans le rêve et la réalité sordide, le luxe et la misère, la peur et la cruauté.

Les thèmes récurrents, la faim, la faim terrible, qui étreint les estomacs, et son compagnon le froid reviennent à chaque livre, chaque chanson. Car la misère il l’a connue, lui qui est arrivé à Paris à l’âge de dix-sept ans sans un sou en poche, adolescent errant en quête d’un travail et d’un toit. « Ah ! quelle disgrâce d’être fauché quand il lansquine de l’eau de vaisselle et que l’on n’sait pas où coucher… ».

[…]

 

Extrait de l’ouvrage : Balade en Bretagne Nord, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2011.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *