AUREVILLE
Kléber Haedens, le fratriarche de La Bourdette,
par Paul Léophonte
(extrait)
« Soyez philosophes comme moi, messieurs, mettez-vous à table et buvons ; rien ne fait paraître l’avenir couleur de rose comme de le regarder à travers un verre de Chambertin. »
Ces paroles d’Athos accueillant ses compagnons on croirait les entendre de Kléber Haedens quand débarquaient à La Bourdette, sa maison proche de Toulouse, des amis écrivains fuyant les intrigues de la galaxie Gutenberg. D’Athos il avait ce caractère indéfinissable de grandeur et de grâce que décrit Dumas, « une probité inattaquable, une science délicate de la langue et une habitude de bonne maison ». Par surcroît, vertu non négligeable, « un homme fort extraordinaire qui à lui seul buvait comme quatre sans qu’il y parût autrement que par un froncement de sourcil et (plus tard veuf) par une tristesse plus profonde ».
Au physique Kléber Haedens rappelait plutôt Porthos. Je l’ai aperçu un jour signant son dernier livre, Adios, à la librairie Castéla de Toulouse, devant une bouteille de whisky et une pile de volumes, massif, en chemise et bretelles d’un rouge sang de bœuf assorties à ses joues cramoisies. Il se prêtait de bonne grâce à la séance de dédicaces, visage aimable et regard rieur. « Imaginez un géant, baraqué comme un déménageur, le teint violacé par des hectolitres de crus divers, le visage piqué d’un tarin de gourmand et de curieux avec d’extraordinaires yeux d’enfant, perpétuellement étonnés », le décrit Geneviève Dormann. Matthieu Galey fait de lui un portrait à la Hogarth : « Rouge comme un beefsteak, buvant sec, mangeant large, parlant avec une lenteur paysanne, Haedens s’impose par cette placidité, l’œil bleu, globuleux, pensif, rêveur. »
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Extrait de l’ouvrage : Balade en Midi-Pyrénées, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mai 2011