AUNAY-SUR-ODON
Le Mesnil d’Alain Robbe-Grillet,
ses manuscrits, ses cactées,
par Olivier Corpet
La maison d’un écrivain – qui n’est pas forcément une « maison d’écrivain » au sens que l’on donne banalement à ce label – est le lieu où celui-ci vit, travaille, écrit, mais aussi dort, rêve, reçoit, s’isole. Rien d’étonnant donc à ce qu’elle passe dans son œuvre, d’une manière ou d’une autre.
Le Mesnil n’est pas le seul lieu de la vie réelle ou imaginaire d’Alain Robbe-Grillet : il y a aussi la maison familiale de Kérangoff, à Brest, ou encore le petit immeuble – un ancien bordel – de la rue Bernard-Palissy, à Paris, siège des éditions de Minuit dont il a été pendant plus de trente ans le conseiller littéraire et devant lequel a été prise la célèbre photo du groupe du Nouveau Roman dont il fut l’instigateur et le chef de file. Ces lieux sont souvent cités dans ses écrits
« autobiographiques » (cf. la série de ses Romanesques publiées en 1984, 1987 et 1994) ; mais entre tous le Mesnil est pour Alain Robbe-Grillet le lieu élu.
Né en 1922 à Brest où il a passé son enfance, Alain Robbe-Grillet a également des attaches normandes par son grand-père, Paul Canu, sous-officier de la marine de guerre et originaire de La Haye-du-Puits dans la Manche. Très vite après leur mariage en 1957, Alain Robbe-Grillet et sa femme Catherine souhaitent trouver une maison, à la campagne, en dehors de Paris, où lui-même mène une vie professionnelle de romancier, d’éditeur et bientôt de cinéaste fort active.
Après avoir guigné plusieurs demeures dans la Manche et dans l’Orne, en mars 1963, ils trouvent enfin dans le Calvados une « jolie propriété d’agrément et de rapport » comme le dit l’annonce notariale : « Cinq hectares cinquante environ, d’un seul tenant, se composant d’un parc (avec une très belle allée de tilleuls, encadrée par un bois futaie, aboutissant entre deux pièces d’eau symétriques à un jardin à la française, en façade du manoir), d’un potager et de prairies, le tout encadrant un très joli rendez-vous de chasse d’époque Louis XIV (1620) ayant conservé son cachet », qui, précise encore l’offre, « doit tenter un Amateur d’Art » (sic). Sans hésitation, et grâce à l’aide financière décisive de leur ami Jérôme Lindon, directeur des éditions de Minuit, ils achètent le château du Mesnil, situé dans le canton de Villers-Bocage, à quelques kilomètres d’Aunay-sur-Odon, « sur la plus petite commune du canton, mais non la moins pittoresque » comme le précise un numéro de la revue Art de Basse-Normandie de 1961, décrivant l’église du xvi-xviie siècle et son retable de 1680, au bout d’un long sentier débouchant sur le château.
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Extrait de l’ouvrage : Balade dans le Calvados, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mai 2004