ANDILLAC
Eugénie et Maurice de Guérin, les enfants du Cayla
par Alain Soriano
(extrait)
S’il est des lieux qui façonnent l’esprit, stimulent l’imagination, imprègnent les cœurs, le château du Cayla dans son parc s’inscrit au tout premier rang. La gentilhommière de pierre blanche, bâtie autour d’un relais de chasse du xvie siècle sur un tertre calcaire, domine l’horizon, cernée par les ruisseaux du Sant Hussou et de Sept Fonts. Elle surgit au détour du chemin, encadrée par une végétation désordonnée qui en fait tout le charme. Le visiteur, depuis le village d’Andillac surveillé par un antique pigeonnier, peut mettre ses pas dans ceux des écrivains Eugénie et Maurice de Guérin, les enfants du Cayla.
On comprend dès lors l’attachement d’Eugénie à ce coin de terre tarnaise, proche de Gaillac, Cordes et Albi, où elle passera l’essentiel de sa vie, loin des rumeurs citadines, dans une existence faite de simplicité imposée par les circonstances. La disparition prématurée de leur mère fait d’Eugénie, adolescente de 14 ans, une femme qui devient une seconde mère pour Maurice auquel elle se consacrera sans réserve. Si les ressources modestes de la famille ne lui ont pas permis d’être éduquée dans un pensionnat, comme les jeunes filles de la noblesse de son époque, sa curiosité d’esprit, la nécessité d’entretenir une correspondance suivie avec Maurice éloigné du Cayla, vont faire d’Eugénie une remarquable épistolière dont le talent éclate dans le Journal, « le plus beau livre du monde » selon Lamartine, et dans ses lettres à ses amis notamment Louise de Bayne avec laquelle elle correspondra pendant des années. Le Journal, destiné à entretenir les liens avec Maurice vivant à Paris, révèle une Eugénie sensible, proche de la nature mais ouverte aux problèmes de son temps, qui mène une vie de fermière en compagnie de sa sœur Marie, animée par une spiritualité où dans les moments difficiles elle puise la force de vivre. La foi chez Eugénie se traduit par des actes, elle enseigne le catéchisme aux enfants d’Andillac, elle secourt les pauvres, soigne les malades. Elle sera même tentée plusieurs fois d’entrer au couvent mais ne se résoudra pas à abandonner sa famille et le Cayla qu’elle aime même dans la tempête : « Grand vent d’autan, grand orchestre à ma fenêtre, j’aime assez cette harmonie… drôle de musique du Cayla que j’aime ». Le Cayla est bien pour elle un lieu unique « Je n’aime pas sortir d’ici, rien ne me plaît comme mon désert… je ne le changerais pas avec la plus magnifique cité ».
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Extrait de l’ouvrage : Balade en Midi-Pyrénées, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2011.