Jules Verne à Amiens

AMIENS

Jules Verne, un amienois d’adoption
Par Piero GONDOLO della RIVA
(extrait)

 

« Quant à moi, je n’ai eu d’autre but que de peindre la Terre, et même un peu l’au-delà sous la forme du roman » . Voilà comment celui à qui on a prêté les attributs de « père de la science-fiction » ou d’« homme qui a inventé le futur » définissait en 1894 sa production littéraire.

Le regret de « ne pas avoir compté dans la littérature française », comme il le disait lui-même, sera un leitmotiv de sa correspondance, regret auquel s’ajoutera la déception de n’avoir jamais été reçu à l’Académie Française.

Décrire la terre entière, cette tâche colossale, plus de soixante romans ne suffiront pas à la mener à bien. Une œuvre qui exige tranquillité et régularité dans la vie. Jules Verne a besoin d’un lieu de travail calme : le bruit de Paris où il a vécu de 1848 à 1870 l’empêche de respecter le rythme cadencé (deux ou trois romans par an) de sa production littéraire. Une mission littéraire qui lui paraissait parfois lourde : « Je me tiendrai toujours et le plus possible dans le géographique et le scientifique, puisque c’est le but de l’œuvre entière ».

Ce lieu privilégié pour l’écriture sera Amiens, la ville de son épouse, Honorine du Fraysse de Viane. Après un bref séjour au Crotoy, il s’y installe en 1871.

Il était né à Nantes en 1828 d’une famille de la bourgeoisie cultivée par son père, Pierre Verne, et de la petite noblesse de province par sa mère, Sophie Allotte de La Fuÿe. Jules Verne passe son enfance et son adolescence dans sa belle ville natale. Cependant, il s’y sent bientôt limité et étouffé.

En 1848 Paris nourrit le rêve de tout étudiant de province qui aspire à une carrière littéraire, particulièrement dans le domaine du théâtre. Jules Verne s’y installe donc et y rencontre ce milieu littéraire qui devait lui prouver que ni la profession d’avocat à laquelle le destinait son père, ni celle d’agent de change que les contingences de la vie l’avaient un temps forcé à adopter, n’étaient sa véritable voie.

Sa première œuvre imprimée sera une pièce, Les Pailles rompues, écrite en collaboration avec Alexandre Dumas Fils. Elle est créée en 1850, à Paris, au Théâtre Historique qui appartenait à Dumas Père. Puis les premières nouvelles de Jules Verne paraissent dans une revue célèbre, le Musée des Familles. Les titres de quelques-unes d’entre elles annoncent l’œuvre future : Un Voyage en ballon, Un Hivernage dans les glaces. Mais, sans la rencontre décisive en 1862 de l’éditeur-écrivain Pierre-Jules Hetzel, Les Voyages Extraordinaires n’existeraient pas. Le succès du premier roman de Jules Verne qu’Hetzel publie, Voyage en l’air, qui deviendra Cinq semaines en ballon, pousse l’éditeur à lier le jeune auteur à sa maison. Hetzel aura l’exclusivité de sa production littéraire de 1863 à sa mort. Une collaboration littéraire unique en son genre, qui ne connaît qu’un refus célèbre de son éditeur : celui du manuscrit du roman futuriste de Jules Verne, Paris au XXe siècle.

On a beaucoup discuté de la collaboration Hetzel-Verne, soit pour affirmer que le rôle d’Hetzel a été fondamental dans la création littéraire de Verne, soit, au contraire, pour présenter l’éditeur comme un censeur qui aurait provoqué des dégâts irréparables en bridant l’imagination créatrice de l’écrivain. Ayant eu la chance d’être l’un des coauteurs de l’édition complète de la correspondance inédite entre Hetzel et Verne, je pense qu’il y a du vrai dans ces deux affirmations : Hetzel a souvent censuré Verne, parfois à tort, mais il lui a également assuré les conditions qui ont été à la base d’une création littéraire de cette envergure.

[…]

 

Extrait de l’ouvrage : Balade dans la Somme, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2007

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