PRESQU’ÎLE DE RHUYS, SARZEAU
Sur les pas d’Alain-René Lesage ? Mais où ?
par François-Pierre Nizery
Où sont les traces des pas d’Alain-René Lesage ? En Bretagne ? Dans la presqu’île de Rhuys, son pays natal ? Certes, il y a vécu son enfance, mais s’il y a laissé des traces, elles ne sont guère visibles. Les petites marques d’un pied de gamin sur le sable d’une plage ou la boue caillouteuse d’un chemin de campagne sont plus difficiles à cerner que les gros sabots d’un adulte parcourant sa terre à la recherche d’une inspiration littéraire qu’il dépose sur un bout de papier. À Sarzeau, cette petite commune coincée entre le Golfe du Morbihan et l’océan Atlantique, cette bourgade qui a « vu » naître Lesage, on peut suivre dans les écrits les traces d’une autre de ses grandes figures littéraires, Marie Le Franc. Mais Lesage, non ! Pas un mot dans ses livres décrivant quoi que ce soit de ce pays breton, pourtant le sien. On peut voir à Sarzeau sa maison natale, on peut y voir son buste, son nom sur une plaque, sur un panneau descriptif ou la devanture d’un hôtel, mais peut-on voir quelque chose rappelant son propre regard sur le pays, un regard transmis par ses écrits ? Rien ! Rien d’autre que l’obscurité et le silence d’une mémoire, celle d’un écrivain qui n’a pas voulu laisser la moindre trace écrite d’un lieu de vie qu’il a purement et simplement oublié, sinon même renié, par l’effet douloureux d’une histoire familiale ubuesque.
Issu d’une famille de notables locaux relativement aisée, il se retrouve orphelin à l’âge de 14 ans, de plus ruiné par la cupidité de ses tuteurs et d’autres « personnages » du pays qui, semble-t-il, profitent de la situation pour s’enrichir sur son dos. L’un de ces personnages, Rolando, est d’ailleurs la seule évocation plus ou moins explicite de cette période de sa vie, dans l’Histoire de Gil Blas de Santillane, une évocation pour le moins acerbe puisqu’il fait de ce Rolando un bandit de grand chemin.
[…]Extrait de La Bretagne sud des écrivains, Alexandrines, 2014.