AIX-EN-PROVENCE
Poésie guerrière et amoureuse au temps des Comtes
par Georges Massieye
En Europe, au Moyen Âge, la poésie lyrique, non plus en latin, mais en langue vulgaire, italien, oïl (français), allemand,… puise ses sources aux xiie et xiiie siècles, au jaillissement de la poésie des troubadours en langue des châteaux des pays d’oc (France méridionale d’aujourd’hui). Les artistes créateurs de cette poésie lyrique vivent dans les cours de puissants mécènes, de grands seigneurs, mais il leur arrive d’en changer en fonction de leurs intérêts personnels. La région qui, aujourd’hui, constitue le département des Bouches-du-Rhône, par la présence de cours importantes comme celle des seigneurs des Baux, des comtes de Provence des dynasties de Barcelone puis d’Anjou, fixe ainsi des troubadours d’origine assez lointaine en plus de ceux, natifs du terroir. Une multitude de noms illustre la poésie courtoise, la poésie des troubadours dans les Bouches-du-Rhône : Bertrand d’Alamanon (1229-1266) très lié à Sordel et participant à ses côtés aux expéditions guerrières de Charles d’Anjou, Paulet de Marseille qui, lui, au contraire, quitte les lieux à l’installation de la dynastie française des Anjou et bien d’autres. Mais parmi tous ces poètes, certaines grandes figures ressortent comme Pèire Vidal, Folquet de Marseille, Sordel, Blacas.
Pèire Vidal, fils d’un riche fourreur de Toulouse s’installe successivement auprès de puissants protecteurs, aussi bien à la cour de Raymond V de Toulouse que de son ennemi, Alphonse II d’Aragon. Mais il écrit une partie importante de son œuvre à la cour de Barral, vicomte de Marseille. C’est là que se situe un épisode de son existence d’une grande signification pour la compréhension de ce que l’on appelle, à partir de Gaston Paris, à la fin du xixe siècle, l’amour courtois. Pèire Vidal se serait épris de la femme de son protecteur, le seigneur de Marseille, et aurait profité de l’absence de celui-ci pour la rejoindre dans sa chambre. Devant les cris de l’épouse, il s’enfuit, part pour Gênes. Mais sur la prière insistante de Barral, sa femme pardonne au troubadour Pèire Vidal, qui peut ainsi revenir à Marseille.
L’aventure est à rapprocher de celle que dépeint le grand médiéviste Georges Duby dans son ouvrage Guillaume le Maréchal ou le meilleur chevalier du monde. Elle ne se déroule plus dans les pays d’oc mais la problématique est la même…