Aix-en-Provence D’Argens

AIX-EN-PROVENCE

Quand Casanova rencontre Boyer d’Argens

par Michel Vovelle

 

Un dîner au château d’Eguilles près d’Aix-en-Provence un soir d’hiver 1769.

Des personnages singuliers de la nébuleuse philosophique et littéraire au siècle des Lumières, il s’en rencontre à Aix malgré la réputation guindée de la cité aristocratique.

Il me plaît d’y voir se croiser deux de ces représentants dont on pourrait peut-être douter de prime abord qu’ils aient affaire avec la Provence : Casanova et Boyer d’Argens, deux aventuriers de l’Europe des Lumières, trop commodément réunis sous l’étiquette du libertinage, si Casanova n’a fait que passer à Aix en 1766 et 1769, Jean-Baptiste Boyer d’Argens appartient à une célèbre dynastie de magistrats aixois.

Il se présente lui-même « je suis né à Aix-en-Provence, d’une famille noble et distinguée, destiné à être de robe, ainsi que sont la plupart des aînés » : mais c’est la carrière à laquelle il a voulu échapper, refusant de prendre la succession de son père Président de chambre au Parlement, pour mener dans sa jeunesse une vie vagabonde. Il en laisse le récit dans des Mémoires très romancés, décrivant complaisamment les frasques d’un jeune libertin avide de plaisirs, attiré par les comédiennes, multipliant aventures, liaisons et mariages secrets en Provence, comme au fil d’une croisière en Méditerranée de Tunis à Istambul en passant par la Grèce. De retour au pays, non assagi, vite dégoûté de la vie militaire qui ne lui convient pas, refusant les bons partis qu’on lui propose, il a lassé la patience de ses père et mère. Devenu en 1736, un aventurier de la plume, de la Hollande à l’Allemagne, il a conquis une réelle notoriété par ses écrits : Lettres juives (1736) suivies d’autres « lettres », cabalistiques, chinoisesphilosophiques, support choisi pour faire passer sa critique acerbe des religions et des croyances. Des Mémoires historiques et secrets sur les amours des rois de France ou sur la République des Lettres mêlent à l’indiscrétion grivoise une réflexion parfois plus ambitieuse qu’on retrouve dans l’Histoire de l’esprit humain, Philosophie du bon sens, (1737). Comme nombre de ses contemporains, Boyer d’Argens associe à cette littérature une production pornographique qui le fait connaître sous le manteau, des Nonnes galantes ou l’amour embéguine (1740) à d’autres fantaisies dont la plus connue par sa large diffusion reste Thérèse philosophe, paru anonymement mais qu’on lui attribue aujourd’hui avec certitude...

Extrait de l’ouvrage : Balade en Provence, sur les pas des écrivains (c) Alexandrines, mars 2012

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *